Elle l’a regardé jusqu’à l’horizon, s’éloigner et s’éloigner encore.
Elle a d'abord regardé les hommes s’affairer gaillardement sur le pont, dans la fébrilité du départ. Il y a tant d’impatience en eux, à l’heure de leurs retrouvailles avec l’autre… Car la mer visiblement les attend aussi, et ne se lasse jamais d'eux: elle piaffe, elle vibre, elle gémit, elle ondule sans cesse pour les appeler, à peine assagie à l’abri du port.
Elle a surtout regardé son homme : son clin d’œil fugitif mâtiné d’un dernier sourire, puis ses gestes assurés mille fois répétés. Car il est beau, avec ses mains fortes, son pas dansant au rythme de la houle, sa silhouette solide qui fait peu à peu corps avec le pont, s’effaçant derrière les vives couleurs de la coque tandis que le navire s’éloigne hardiment vers son amante aux éternelles vagues, jusqu’à enfin en fendre le premier ressac, au passage au près des récifs.
Enfin, elle a regardé la grand-voile immaculée, gonflée du fier vent de noroît. Sa blancheur lumineuse est en effet toujours la dernière à se noyer dans les larmes tirées indifféremment par le soleil, le vent ou la mélancolie du départ, car elle brille bien distinctement sous le soleil, jusqu’à se fondre enfin à l’ultime frontière visuelle, ce tracé grisé de la légère brume de mer qui démarque le bleu marin du bleu azur sur les horizons atlantiques.
Le navire est toujours bien long à gagner cet horizon... Mais, finalement, comme toujours, il disparaît… Il ne reste alors que les mouettes, qui reviennent à terre pleurant leur colère de se savoir abandonnées.
Elle range machinalement une mèche sous son bonnet ; le vent la dérange sans cesse : il faudra penser à la couper. Elle a faim à présent : il faut rentrer préparer le souper ; trier le linge pour la lessive de demain ; mais avant tout, poster les papiers pour le notaire, qu’ils ont revus ensemble, et qu’il a enfin signés. Elle touche l’enveloppe, rassurante, au fond de sa poche : elle ne s’est pas envolée. Entre-temps, le vent a un peu forci : les femmes resserrent leur col, tournent le dos au quai – un signe de la tête, au revoir… on bavardera un autre soir.
Ainsi elle reprend le chemin de la maison, machinalement, revenant un peu plus à chaque pas vers son quotidien solitaire, mais bien rempli : il y a tant à faire, quand on est seule sans homme à la maison, pendant tout ce temps.
Car la femme du marin n’attend plus qu’il rebrousse chemin pour venir la retrouver; il reviendra bien assez tôt, tout autant impatient et fébrile pour ce retour qu'il ne l'était à l'aller, lassé pour un temps de son amante aux dix mille eaux, et bouillant du désir de s'étourdir à terre. Et s’il ne lui revient pas… la femme du marin est libre, elle est forte, elle est sage; elle est patiente. Et cela, la mer ne le lui reprendra pas.
sympa d'avoir participé... il faut que tu ailles te signaler chez Teb (une porte ouverte) qui a fait un recueil de toutes les contributions voir si elle peut te rajouter
(tout le week-end elle fait paraitre son blog en mise à jour pour que l'on soit informé de ce recueil)... va vite - je lui laisse qd même un com
Rédigé par : vero | samedi 18 novembre 2006 à 20h07
Merci Vero! j'ai mis une note sur son blog juste à temps pour être dans la première compil... c'est tout moi cela, arriver à la dernière minute toute stressée, mais vraiment cette semaine, pas eu le temps de passer sur le blog... heureusement que hier soir en ouvrant enfin dans mes mails quelques mots de Marino j'ai eu la bonne idée de passer chez elle; sinon j'aurais raté cette communion d'écriture, trop bête!
Rédigé par : Kerleane pour Vero | samedi 18 novembre 2006 à 20h54