Des fois on croise un pauvre gars bourré d'une quelconque substance licite ou illicite dans la rue. Le pauvre n'a plus tous ses esprits; dans son monde déformé, voilà que soudain, il vous prend pour sa frangine, sa maman, une gamine, ou on ne ne sait trop qui. Et forcément, il vous apostrophe, vous que ne demandiez qu'à passer votre chemin, le nez sur vos chaussures (pensons à autre chose... tiens, au fait, faudra penser à les cirer...). Mais voilà que de son propos incohérent, émerge le plus pénible des mots dans un tel contexte: "Tu". Diantre! les témoins de la scène s'imagineraient-ils que vous êtes un de ses intimes? alors vous levez la tête de vos chaussures (qu'il faudra quand même penser à cirer, c'est vrai que çà fait négligé) et, selon votre caractère ou votre humeur, vous lancez un grand regard désapprobateur, un jet de mots cassants, ou un simple haussement d'épaules avec les yeux qui roulent au ciel et un geste d'impatience, histoire de bien montrer que non, vous n'êtes pas des intimes de ce Monsieur.
Autre scène, vous avez tout juste 18 ans, mais la gueule pas franchement usée par la vie, et bien envie d'en profiter. Tout fier de votre nouvelle majorité, vous partez à la conquête du monde. Et vlan, voilà soudain un vieux schnock qui vous regarde de haut: "mais tu fais quoi là, toi? c'est réservé aux majeurs!". Comme si, par exemple, le fait de participer à un concours pour gagner des casseroles sur un marché nécessitait de présenter sa carte d'identité - ben si, je l'ai vécu.
Alors, le vouvoiement, on le conquiert, et quand on l'a, on n'a pas envie de le lâcher. Même à 90 ans, grabataire et gâteux, on y tient, au respect - l'abus du tutoiement dans ces conditions fait même l'objet d'études sur la maltraitance en maison de retraite...
Aïe aïe je vous vois paniquer. La pauvre Kerleane vient de débarquer dans la blogosphère et elle n'a pas encore assimilé la règle du tutoiement dans les blogs...
... mais si mais si, j'ai lu le mode d'emploi, et puis c'est bien expliqué sur la première page: on est ici dans une sphère intime. Virtuelle, car c'est l'intimité de Kerleane et non directement la mienne donc çà ne me dérange pas, et réciproquement: c'est la régle du jeu...
Non, rien à voir... c'est juste que hier, au courrier, j'ai reçu ma nouvelle carte Hic! eeeeeh... ah? avec un joli texte qui me tutoyait. Moi! et pourtant, je suis sûre que j'avais mis ma date de naissance dans leur formulaire. Donc pas d'excuses, parce que bon, ma majorité, çà fait un bail que je l'ai, tout de même, et je ne rajeunis pas vraiment.
Mais voilà, pauvre Kerleane (enfin, plutôt moi pour de vrai, sur ce coup-là), c'est ta faute! quelle inconsciente étais-tu donc pour remplir un tel formulaire... tout cela pour une carte qui ne t'a jamais rien rapporté, même pas une réduction en période de soldes - rien que de la pub, à intervalles réguliers. En plus, je fais à ce point partie de leurs intimes qu'ils viennent de distribuer 2 millions de catalogues en Suisse, mais moi, je n'ai rien reçu...
Mais c'est bon, j'ai trouvé la solution: je vais leur renvoyer la carte, et si l'envie me reprend, je remplirai un prochain formulaire au nom de... Kerleane! après tout, Kerleane, personne ne va jamais la vouvoyer, n'est-ce pas?
Et si ces lignes ne vous ont pas fait sourire, voilà une petite caricature sur le sujet (qui a fait couler un peu d'encre en Suisse, mais peut-être que ce délire marketing est purement local...): le dessin de Barrigue...
C'est de l'hupour helvético-breton?
Adelphiquement.Evelyne.
Rédigé par : alibi-bi | samedi 09 septembre 2006 à 05h23
!!
Rédigé par : Humour bien sûr | samedi 09 septembre 2006 à 05h24