Le printemps s'impose très fort cette année. La neige n'est plus tombée depuis un mois et demi - le peu qui est tombé cet hiver a fondu avant fin mars, et la pluie aussi est rare. Hier j'ai fait le tour de notre montagne en une bonne heure de marche, les pâturages sont étonnamment praticables pour la saison, je ne me suis embourbée qu'une fois. J'avais besoin de marcher pour avancer, me secouer un peu. Je suis partie fatiguée, hésitant à préférer une sieste à cette sortie dans le vent, mais je suis revenue apaisée et le pas léger comme si les quelques kilomètres que j'avais arpentés ne comptaient pas.
Les semaines continuent de passer sans que je trouve vraiment ma place. Je lis beaucoup et je pense surtout beaucoup, mais j'ai l'impression de ne plus rien faire, comme si le temps me jouait des tours maintenant que je ne lui cours plus après. Cela m'intrigue beaucoup, car j'ai essayé de mesurer le temps d'avant et le temps de maintenant en tâches tout-à-fait objectives, et je ne comprends pas: on dirait que j'ai complètement ralenti tout ce que je fais et pourtant je ne fais pas mieux. Je suis juste beaucoup plus tranquille, mais je ne dirais pas sereine; cette lenteur me gangrène d'une espèce de tristesse qui m'envahit par bouffées. J'essaie de pratiquer la pleine conscience, de savourer mes gestes et le moment et le lieu que je vis, mais autant ces moments me semblaient magiques quand je les arrachais à mon stress permanent d'un quotidien trop chargé, autant me les offrir maintenant dans la paix d'une journée organisée à ma guise me semble insipide et sans intérêt.
Je suis mal dans mon identité dont je réalise combien je l'avais construite dans le regard de l'autre (ou ce que j'imaginais être le regard de l'autre). Je suis face à moi-même comme jamais. Et je ne sais pas quoi en faire. C'est une expérience intéressante en tout cas, qui me donne une petite idée de combien nos perceptions sont subjectives. Y compris peut-être celles de l'espace et du temps.
Le retour du printemps fait écho aussi à mes violents états d'âme de l'an passé. Et j'ai fait du nettoyage, du vide greniers pour m'alléger encore de certains rêves qui ne se réaliseront plus, cet idéal de 3e enfant dont la folie me saute aux yeux après coup. Quoique, si nous n'avions pas repoussé ce projet fin 2006, je n'aurais pas compensé dans mon renouvellement professionnel avec formation continue et tout ce qui a suivi par enchaînement d'opportunités et de tournants parfaitement assumés... mais incompatibles avec une maternité de plus. Mais peu importe, on ne reviendra pas en arrière. Et élever les 2 premiers m'occupe bien assez sur l'axe "famille" de mon quotidien.
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