J'ai réaménagé la moitié de ma maison, jusqu'aux couleurs des rideaux qui ne me convenaient plus; besoin de couleurs chaudes, bruns, oranges, de tissus chatoyants et colorés. Bye bye les affreux rideaux IKEA que nous avait imposés notre budget serré de nouveaux propriétaires salariés à temps partiel puis au chômage. Mari Charmant montait sa boîte à l'époque, avec un emploi de codeur alimentaire 3j par semaine, emploi perdu dans la débâcle post-éclatement de la bulle internet, deux mois avant de consolider les emprunts bancaires... tandis que les mirobolantes actions kdos de Noëls de mon employeur, soigneusement mises de côté pour l'ameublement, ne valaient, en quelques mois, plus rien. La chape de notre rez de chaussée a été coulée le 11 septembre 2001, c'est tout dire... J'ai passé des soirées entières à comparer les catalogues Fly IKea aux pubs Conforama pour déterminer où acheter la table, les chaises, le lit... on n'avait plus aucune épargne devant nous et je suis allergique aux petits crédits.
Mais la mue n'est pas que domestique. J'ai aussi besoin de remettre en cause mon engagement professionnel. Le chambardement a été très violent à mon retour de vacances, mais j'ai fait le pas, c'est désormais clair pour moi et surtout je me suis fait une raison: je ne veux plus suivre le cheminement de carrière de management. Les blabla de MBA, les processes RH formalisés et la gestion de seniors dévalorisés par leurs précédents managers que j'ai dû ingurgiter cette dernière année m'en ont complètement dégoûtée. Reste quelque espoir cependant: ces fameux RH nous ont enfin mis au clair un cheminement de carrière technologique, et je ne désespère pas de trouver un rôle passionnant dans une organisation plus matricielle/transverse encore à définir.
J'ai donc, pour la 5ème fois dans ma carrière chez cet employeur (une fois par chef, avec un bonus pour un ex-chef qui m'aurait bien recyclée après coup), refusé un rôle pourtant plus valorisant sur le papier/l'organigramme. Toutes les autres fois, j'ai reculé pour mieux rebondir ensuite, sur une opportunité beaucoup plus intéressante. Je ne sais pas si cela marchera encore. Car c'est la première fois que ce sont mes limites, plutôt que le contexte, qui m'imposent ce refus.
Humilité... J'ai dû admettre ces limites. Je suis encore dans cette phase en fait. Je redessine mes priorités et mes capacités. J'ai voulu tout faire parfaitement, à la maison comme au boulot, et je suis arrivée à la limite du burn-out, avec en plus la terrible insatisfaction de l'imperfection, de tout ce que je n'avais pas réussi à faire, de tout ce que j'avais délaissé.
Je reviendrai peut-être au management dans 15 ans, quand les enfants seront grands, quand j'aurai plus de bouteille... et de préférence dans une structure plus petite, comme celle dans laquelle ma carrière a grandi à l'origine, quand je savais le nom, le prénom, l'occupation mais aussi souvent l'âge des enfants, le lieu de domicile, et même les goûts alimentaires et les loisirs favoris de tous ceux que je croisais dans l'escalier. Maintenant il faut faire des revues de compétences et des plans de successions pour alimenter la base de données des "gens, notre valeur" afin d'assurer le "réservoir de talents" favorisant la "mobilité interne".
Il est temps donc que je mue, aussi sur ce plan-là... en attendant l'opportunité d'émigrer peut-être... mais où?
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