"La spiritualité, c'est aussi dans la relation à l'Autre qu'on la vit."
J'ai parlé de la plus égale et la plus longue, la plus singulière aussi, au sens de l'unicité, de mes relations à l'Autre pendant ces 15 ans - le Couple.
J'ai parlé de toutes ces relations croisées notamment sur mon chemin professionnel sans en citer une en particulier, mais en mesurant leur importance dans mon progrès personnel - confiance en moi, ouverture aux autres - la Vie Sociale.
Il reste les Enfants.
Il est difficile de mettre en mot l'expérience de la Maternité qui n'est malheureusement biologiquement accessible qu'à la moitié d'entre nous, et pratiquement pas toujours réalisable, car il faut être deux, en avoir le désir, être prête à l'assumer moralement, physiquement, nerveusement, financièrement, etc... Bref, pour celles qui un jour se lancent dans l'aventure, c'est par le corps qu'elle commence pour beaucoup d'entre nous (pas toutes): tiraillements dans le bas-ventre, seins lourds, nausées, fatigue... Pendant 9 mois, il va falloir le partager, ce corps! et bébé est exigeant.
Si vous mangez mal (et parfois, si vous mangez tout court, et parfois, même si vous ne mangez pas): la tête dans les toilettes...
Si vous dormez mal (et vous dormez mal, car il faut vider la vessie, digérer des rêves bizarres, et après quelques-mois, s'accorder sur les coups de pied): somnolence toute la journée...
Si vous avez des doutes ou des angoisses (forcément, en 9 mois, cela arrive): crise de larmes...
Si vous êtes coquette ou active (ou les deux): vous devez ravaler votre fierté en traînant votre forme de poire bosselée plus ou moins bien habillée au rayon Maternité de votre boutique de fringues préférée (quand il existe!) et vous contenter de quelques exercices ramollis de préparation à l'accouchement à grand renfort de musique douce au lieu d'aller faire du step au fitness ou danser sur de la techno...
... et si vous êtes mince en temps normal, vous finirez tout de même par expérimenter avec horreur les malheurs des gros, par exemple devoir renoncer à une place de parking en épi parce que, de profil, impossible de se glisser entre les portières: les 2 derniers mois, c'est de face qu'il faut passer au plus étroit! Impossible, aussi, de lacer ses chaussures sans se mettre en position du lotus, ce qui est assez malpratique...
Bref, je n'aime pas être enceinte.
Mais... il y a la rencontre, ensuite. Quand je repense aux premières années avec mes petites, je me vois vraiment comme n'importe quelle maman du monde mammifère. Je les ai nourries, portées, lavées, éduquées. Et surtout: aimées. Choisir, ou reconnaître, un Prince Charmant, c'est déjà toute une affaire en matière d'amour, mélange d'hormones et d'intellect, bref de l'affectif sophistiqué à haute dose. Mais porter et élever un enfant, c'est encore toute une autre dimension.
Il y a la responsabilité, d'abord. Cette vie dépend d'abord totalement de la nôtre, puis encore pendant longtemps, des soins et de l'amour que nous lui accordons. En fait, une mère est toute-puissante! Mais moi, cela m'angoissait tellement pendant ma première grossesse que j'ai passé des centaines d'heures à lire tous les livres que j'ai pu trouver sur la grossesse, les bébés et l'éducation des enfants, au point que je pourrais presque encore en citer des passages... Pourtant je ne suis pas devenue une maman poule, je me suis séparée sans peine de mes petites pour reprendre le travail puis les confier à l'école, mais je me sens quand même responsable d'elles et je ne préfère ne pas réfléchir à la folie qui pourrait me prendre si on leur faisait du mal. La colère est un sentiment qui m'est quasi-étranger en temps normal, mais là...
Il y a l'amour, ensuite, l'affaire de 5 sens et même plus: cela sent bon, un tout-petit, c'est beau, cela gazouille, sa peau est toute douce, on le mangerait de bisous! et puis il y a le 6ème sens, se réveiller la nuit 10 secondes avant l'appel d'un bébé affamé ou d'un grand qui a soif, qui a fait un cauchemar ou dont le nez coule...
Mes petites ne sont plus des bébés et je n'ai plus depuis longtemps le bain hormonal de la grossesse et l'allaitement - la cadette, Ondine, a 4 ans - mais elles sont toujours une telle dimension de ma vie affective que je ne pourrai jamais le mettre en mots. Je vois bien, dans les notes des autres mamans d'enfants devenus grands qui s'expriment sur cette blogosphère, que même quand ils ont ont 15, 20, 30 ans, ce sentiment d'amour maternel reste puissant. S'il y a un amour éternel, cela doit bien être celui-là!
Quant à la spiritualité... donner la vie m'a rendue beaucoup plus sereine quant au sens de la mienne, et m'a aussi libérée de certaines angoisses liées à mon manque de confiance dans mon corps, à ma peur de mourir trop vite...
En résumé, la Maternité est une belle expérience, exigeante certes, mais fondamentale et incroyablement gratifiante. Dommage simplement que cette expérience ne puisse être universelle...
Image extraite d'une peinture sur toile (détail) "Sette opere di Misericordia" de Caravaggio, datant de 1607... ces peintures m'impressionnent beaucoup par leur réalisme, on dirait une photo: l'homme derrière cette oeuvre n'a pas porté d'enfant, mais ce qu'il a réalisé est une ode à la vie aussi!
j'adore la facon dont tu décris cette experience (j'espere que ce "tu" ne semble pas impolie).
trop souvent on entends seulement les cotés bénéfiques de la grossesse. cela devient un espece de contes de fées pour enfants.
mais j'aime mes amies qui ont pues me dire les parties moins contes de fées de la grossesse. comprenant que quelque chose de si beau que le partage à la création d'une vie, est si beau, justement à cause non seulement des visions béatifiques que cela entrenne, mais aussi à cause des autres visions et pensées, ie, de celles que l'on nomment terribles.
et c'est justement cela que je trouve beau et grand. c'est ce tout, cet ensemble. ce tout que tu décrit si bien.
c'est cela qui me donne envie, parfois, de faire un enfant; c'est ce tout, et non le conte de fée.
enfin, j'ai déjà 34 ans, pas encore d'enfants, 2 fois dit non, on verras si la création de vie est pour cette vie ou une autre.
des 2 cotés j'accepte ce que la vie m'offre/mes choix avec gratitude. comme tu dis, je suis sure, et je sens, que de donner la vie est une des experiences fondamentales, un de celles qui définissent la vie:)
Rédigé par : manue | mardi 30 janvier 2007 à 03h18
Pas de pb avec le "tu" j'ai utilisé le "vous" dans la note par vieille habitude culturelle, on ne se refait pas... pour cela l'anglais est plus simple!
Considérer l'opportunité d'une maternité ou non sans en faire un enjeu... voilà qui est bien sage! Mais le pire, c'est que la question revient aussi après: on en fait encore un ou pas? sans l'horloge biologique, je crois qu'on se poserait encore la question à 80 ans (comme certains hommes d'ailleurs...).
Rédigé par : Kerleane pour Manue | mardi 30 janvier 2007 à 20h55
Merci pour ce beau partage.
Effectivement j'ai bien l'impression que les Trackback ne fonctionnent pas. Il n'empêche que cet article m'a fortement inspiré une note sur la Paternité...
Bizz.
Rédigé par : Benoît | vendredi 02 février 2007 à 18h37