En lisant le dossier sur le Bonheur Intérieur Brut BIB dans le dernier Psychologies hier soir, j'ai bondi en lisant le commentaire suivant:
Dire que notre travail nous satisfait, c’est éviter d’avoir à reconnaître qu’il nous faudrait en chercher un autre ! En témoigne la mauvaise place de la compétition et du risque dans le classement de nos valeurs. Selon Éric Albert, psychiatre, consultant et fondateur de l’Institut français d’action sur le stress (Ifas), « ces valeurs cruciales dans le monde du travail étant rejetées, c’est le travail lui-même qui est rejeté ». Ou qui, du moins, n’est plus vécu comme facteur d’épanouissement personnel. La vraie vie est ailleurs, et le fait de travailler une condition nécessaire, mais pas suffisante à notre bonheur.
Mais de quoi parle-t-on ici? Jamais je n'ai entendu ériger ces valeurs, compétition et risque, dans le monde du travail, qu'il s'agisse de multinationale technologique, de PME innovante ou de métiers de "service" dans l'enseignement ou la santé! Dans mon travail, l'esprit de compétition est en fait péjorant dans le système d'évaluation mis en place par les ressources humaines; ce sont les compétences de collaboration et d'esprit d'équipe qui sont mesurées. La compétitivité et la compétition sont deux choses différentes! Même chose pour le risque, il ne faut pas confondre esprit d'initiative et risque - le cadre qui cherche les situations à risque pour l'adrénaline, ou qui cache le risque sous le tapis au lieu de l'intégrer dans son plan d'affaires *risque* tout simplement sa propre carrière le jour où les dirigeants en prennent conscience (j'en ai vu se faire licencier pour cette raison, voir aussi le cas des traders suite aux crises financières en cascade). Pour le créateur de PME innovante, le risque n'est pas une valeur, mais un obstacle qu'il faut chercher à minimiser en permanence; la valeur de fond, c'est l'esprit d'initiative (merci Mari Charmant pour son partage d'expérience ici).
Les vraies valeurs cruciales du monde du travail qui se cachent derrière ce choix malheureux des mots "risque" et "compétition" sont en fait le progrès, le courage, l'esprit d'initiative.
- Le progrès: Toujours faire mieux, mais dans l'absolu, pas juste en écrasant l'autre pour se sentir valorisé par effet miroir...
- Le courage: Face aux incertitudes, face aux risques, ne pas rester paralysé de peur, mais au contraire chercher des solutions, avancer pas à pas, pour continuer de progresser justement et résoudre les problèmes de façon la plus optimale possible (en minimisant le risque et l'incertitude).
Evidemment l'esprit d'initiative s'appuie sur ces deux valeurs. Avoir pour but le progrès (personnel, du groupe, de l'organisation, de l'humanité...) et se donner comme moyen pour attendre ce but le courage (personnel, du groupe, de l'organisation, de l'humanité...). Et en pratique, commencer à voir et vivre et réaliser son quotidien avec ces deux moteurs, en matérialisant des rêves, des mots, des gestes, des actions, des projets (personnels, du groupe, de l'organisation, de l'humanité...), c'est mener l'esprit d'initiative individuel au départ, qui s'enrichit ensuite au sein du groupe, de l'organisation... pour au final, simplement en devenant plus conscient et plus responsable de ses choix et de ses actes déjà à notre tout petit niveau, faire avancer l'humanité, qu'il s'agisse de son savoir (le quotidien de l'enseignant mais aussi du journaliste), de sa santé (le quotidien du thérapeute mais aussi du paysan) de progrès technologique (le quotidien de l'ingénieur mais aussi de l'ouvrier, du responsable qualité, du logisticien et du distributeur, du responsable marketing, du vendeur et du juriste grâce auxquels le produit innovant est finalement réalisé et déployé à large échelle), etc.
Et cela peut commencer dans notre travail actuel, pas forcément besoin d'aller chercher ailleurs, c'est exactement comme pour le couple... le bonheur est à notre porte autant qu'ailleurs, il faut juste le provoquer.
En conclusion, ce n'est pas étonnant que les valeurs de risque et de compétition soient les plus mal classées dans le sondage BIB de Psychologies, car ce ne sont PAS des valeurs! moi, j'aurais aimé y lire ce que j'ai écrit ci-dessus, cela aurait résonné bien plus fort pour moi, que ces tristes mots "risque et compétition sont les valeurs cruciales du travail et c'est pourquoi le travail est rejeté". Voilà un discours bien convenu et mal réfléchi, pas ce à quoi j'ai l'habitude de me nourrir et me ressourcer dans Psychologies magazine. D'où mon coup de gueule du jour, même s'il n'est guère dans mes habitudes de pousser des coups de gueule...
Au passage, je pense d'ailleurs aussi que si "Religion" avait été remplacé par "Spiritualité", cette valeur aurait obtenu un meilleur score dans une société très laïque où la spiritualité individuelle prend de plus en plus le pas sur la religion culturelle. Mais il faudrait refaire le sondage pour vérifier la place de ces "vraies" valeurs... je crains que le choix malheureux des mots n'ait biaisé les résultats.
Qu'en pensez-vous? suis-je décidément trop idéaliste sur le monde du travail? c'est quoi vos valeurs au travail, à vous? juste l'aspect nourricier, avoir l'argent à la fin du mois? ou autre chose?
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